Posts Tagged ‘mémoire’

Naciré et les machines

30 avril 2014

Dans la Cité-Usine, une ville sur-industrialisée, rongée par la rouille grimpante, Naciré tombe amoureux d’une garde-barrière qu’il aperçoit chaque fois qu’il conduit sa locomotive jaune. En fait cette mystérieuse Mlle Guili-Guilistein au beau visage mélancolique, qui ne sait même pas ce qu’est une montagne… est un automate. Ils décident de s’enfuir dans sa locomotive, et se trouvent rapidement pris dans une guerre à laquelle personne ne comprend rien…

Ces albums sont à déguster et à savourer comme un conte et non comme un concentré d’adrénaline ou de suspens… Amateurs de 24 heures Chrono, s’abstenir… sauf si vous savez aussi goûter la gratuité d’une réflexion poétique, à la sauce Délicatessen, sur l’homme, sur l’absurde, sur ce qui fait une machine, sur la source de notre existence…

En réussissant à camper un monde qui n’appartient qu’à lui, Frédéric Pontarolo parvient dès cette première série à construire une belle ode poétique qui se révèle comme un antidote à la déshumanisation des relations !

Pour les grands cœurs des temps modernes !

Naciré et les machines, série complète en trois tomes, de Frédéric Pontarolo, éditée par Casterman de janvier 1999 à octobre 2000, 64 pages chaque album.

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Page Noire

29 avril 2014

Un récit de Franck Giroud et de Denis Lapière brossé avec justesse par les dessins de Ralph Meyer…

Ce mélange a de quoi promettre un moment un beau et bon moment de lecture et « Page Noire » sait tenir ses promesses par l’habileté de la construction, par le jeu des itinéraires humains des personnages, par la qualité de l’atmosphère de ce récit en seul volume.

Kerry Stevens est une jeune journaliste qui se démène pour ramener le scoop qui lui permettra de retrouver son père, la tête haute. Pour cela elle est prête à traquer un romancier célèbre qui se cache dans l’anonymat le plus secret. Son enquête va la mettre sur la piste d’une autrre jeune femme, une Palestinienne qui ne sait comment elle a survécu au massacre de ses parents.

Quand l’écriture romanesque croise la part obscure de nos vies… C’est prenant, c’est intelligent, c’est fin ! Un beau cadeau de rentrée !!!

Page noire (S: Franck Giroud, Denis Lapière; D : Ralph Meyer) édité chez Futuroplis, août 2010, 104 pages au format 21,5 x 29 cm

Quand souffle le vent

19 avril 2014

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Cyril Bonin, c’est le trait si singulier de la série Fog. Il met ici ses traits anguleux au service de la rencontre entre le monde pesant des mines du Nord et l’univers chatoyant des gens du voyage… Rencontre réussie en un tome attachant, d’un classicisme qui sait capter son lectorat et le guider pas à pas par la main au travers des tensions sociales.

Le scénario de Laurent Galandon fait resurgir les fantômes d’un passé qui pèse sur la ville minière, unissant dans la malédiction les maîtres de la ville et les mineurs décimés à coup de grisou face à la fascinante insoumission des Tsiganes.

Un bon one shot sur fond du début du 20ème siècle.

Quand souffle le vent (S : Laurent Galandon; S : Cyril Bonin) édité chez Dargaud collection « Long Courrier », mars 2009

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Les Mauvaises Gens

31 mars 2014

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Etienne Davodeau fait revivre à travers ses personnages très attachants le monde ouvrier et ses  combats dans la région des Mauges (d’où l’origine du titre de l’album), une région située entre Nantes, Angers et Cholet. Marie-jo et Maurice racontent leur enfance pauvre mais heureuse où le travail des jeunes commençait dès l’age de 14 ans en usine ou chez un patron.

Nous suivons au cours de la lecture l’évolution des idées dans cette région rurale, catholique et ouvrière dans les années 50  jusqu’aux années 80. L’arrivée d’un jeune prêtre va bouleverser leur vie. Il leur fait comprendre qu’ils ne doivent que compter sur eux pour s’en sortir et améliorer leur sort. Ils se lancent dans la  J.O.C. Ils découvrent la mer et le syndicalisme.

Les dessins en noir et blanc sont expressifs et rendent, tel un reportage, cette atmosphère rurale de petit village retranché mais où l’entraide est sûre. Le texte se lit facilement. L’auteur n’oublie pas de nous informer des évènements marquants au point de vue religieux, historique et technique. Le tout est un régal où l’ennui n’a pas sa place.

C’est une belle tranche de vie qui témoigne avec respect et tendresse de l’évolution de toute une génération.

Les mauvaises gens d’Etienne Davodeau, Delcourt, Collection « Encrages », août 2005, 185 pages

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Le 11e jour

14 février 2014

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Dessinatrice d’« Un drôle d’ange gardien », Sandrine Revel livre habituellement un dessin enfantin. Ici tout bascule et le lecteur avec.

Présente à New York  lors du 11 septembre, elle partage ses émotions, à contre courant des images spectacles qui nous ont alors submergés. Tout en luttant contre les angoisses qui la paralysent (elle est alors en plein deuil de son frère), elle entend témoigner de ce moment à travers sa propre sensibilité. C’est ce qui fait toute la force de cet album.

Le dessin, réalisé au crayon puis retravaillé par ordinateur, se déploie en une palette de couleurs ocres et marrons nous livrant à l’ambiance surréaliste d’un Manhattan envahi par la fumée. Du trait aux couleurs, en passant par le découpage, cet album privilégie la vivacité de l’événement. Un bel exemple de création autobiographique qui sert d’exutoire à l’auteur comme aux lecteurs.

Le 11e jour, de Sandrine Revel, chez Delcourt, juillet 2002, 47 pages

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C’était la guerre des tranchées

23 janvier 2014

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Avec la parution des « Sentinelles » chez Robert Laffond et « le cœur des batailles » chez Delcourt, l’approche décalée de la guerre de 14-18 semble tenter les scénaristes… C’est l’occasion de redécouvrir l’apport unique de Tardi sur cette Grande Guerre qui n’a cessé de l’obséder par grand-père interposé.

Le graphisme en noir et blanc, les vignettes statiques, le face à face qu’il ne cesse de créer entre le lecteur et les poilus qui parlent ici « comme en direct » font de ce volume une référence fascinante sur la boucherie de cette « guerre des tranchées ».

Vous n’aurez pas droit au petit théâtre en carton qui accompagnait la première édition de « trou d’obus » chez Imagerie Pellerin en 1984, mais en vous engouffrant dans ces pages vous serez contemporains de l’anéantissement par lequel toute une génération est passée.

C’était la guerre des tranchées, Tardi, Casterman, Janvier 1993

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Airborne 44 (T. 1 et 2)

21 janvier 2014

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Un dytique dessiné directement à l’aquarelle par Philippe Jarbinet, un pro du dessin réaliste.

Airborne 44 est un hommage de l’auteur aux 25 paras américains qui ont trouvé la mort en décembre 44 pour libérer son village des Ardennes belges.

«Certains avaient survécu aux campagnes d’Afrique et d’Italie. Enfant, je voyais ce village comme le paradis. Plus grand, j’ai appris son histoire. Pour moi, il a incarné une dualité qu’on retrouve chez l’homme : le meilleur peut cacher le pire. Cela me rappelle que l’enfer est toujours tapi dans l’ombre. Si la lumière s’éteint, le monde redevient son domaine.»

Durant la bataille des Ardennes, un sergent dans l’armée américaine, Luther Yepsen, vient de se faire arracher deux doigts dans un face à face surréaliste avec un soldat allemand isolés et maintenant lui aussi blessé par une balle dans les côtes. Luther est un artiste qui s’est engagé pour participer aux changements du monde. Avec deux autres soldats et deux enfants juifs recueillis dans la forêt enneigée de décembre, il trouve refuge dans une ferme isolée où la belle Gabrièle les accueillent pour les protéger de la débâcle allemande. Mais sans compter avec l’entêtement d’une poignée de SS qui obéisse avec ténacité à une mystérieuse mission ordonnée par le Reichsführer Himmler lui-même : retrouver un « malgré nous » déserteur, un certain Egon Kellerman, lié aux Einsatzgruppen.

«Là où tombent les hommes» (T.1), «Demain sera sans nous» (T.2) mélangent avec brio et succès les tensions meurtrières de la guerre et la chaleur douce d’une idylle amoureuse, le carnage sanglant de la guerre et le recul des dialogues lucides ou prophétiques des protagonistes, la vivacité d’une intrigue à suspens bien menée et la réflexion es sur les enjeux de l’extermination nazis; la machine à broyer collective et l’unicité des destinées de chacun.

Bref, les deux tomes, édités ensemble, sont un bon et beau moment de BD, un grand moment d’histoire et d’humanité !

Airborne 44, « Là où tombent les hommes » (T.1), « Demain sera sans nous » (T.2) de Philippe Jarbinet édité par Casterman collection « Ligne d’horizon » en septembre 2009

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La résistance du Sanglier

11 décembre 2013

L’auteur retrace avec sa plume, l’histoire de son grand-père dont l’ombre semble avoir pesé sur ses vacances dans le Loir et Cher. Et voici le grand-père croqué sous les traits d’un étonnant et robuste sanglier qui, sous couvert de cultiver tranquillement ses plans de salades fait dans la résistance face à l’ennemi d’alors : les troupes d’occupation allemande puisque nous sommes en 1942 à Selles sur Cher…

Stéphane Levallois offre un superbe travail sur ses encrages : des noirs profonds avec de l’encre de Chine, très épaisse, très pâteuse, et de l’acrylique noire pour les aquarelles. Ses planches communiquent à la fois la rêverie poétique de son récit et la lourdeur, le poids de l’époque d’alors. Le dessin, tout en pudeur en économie, parle à la place des personnages, donnant aux émotions une force communicative inattendue.

Un très bel album de mémoire !

La résistance du Sanglier de Stéphane Levallois, août 2008, Gallimard, Futuropolis 120 pages (21,5x29cm)

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Un homme est mort

8 novembre 2013

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Le réalisme de Davodeau fait merveille une fois de plus pour nous donner d’entrer dans une aventure humaine : René Vautier, recherché par la police car cinéaste engagé, est mandaté par la CGT pour tourner un documentaire dans la tourmente sociale des mouvements ouvriers de 1950. Le 17 avril, à Brest, la police tire sur la foule faisant un mort.

Les auteurs s’attachent alors à décrire le tournage du film qui va s’en suivre, son montage précaire et surtout sa projection nocturne aux quatre coins de la ville assiégée. Derrière ce devoir de mémoire, c’est la violence et la détermination qui sont rendues palpables, l’abattement et l’engagement. Il y a le poème d’Eluard, « Au rendez-vous allemand » et le silence extraordinaire de certaines planches.

Jamais un travail didactique n’a été aussi poétique ! L’émotion si politique !

Un homme est mort, (D : Etienne Davodeau ; S : Kris) Futuropolis/Gallimard, Octobre 2006, 80 pages

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Quartier lointain

6 novembre 2013

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Un grand classique !

 

En rentrant du travail, un homme, au milieu de sa vie, se trompe de train. Au lieu de rentrer chez lui, il prend la ligne qui le ramène à son village d’enfance. Il en profite pour se recueillir sur la tombe familiale. Il s’endort dans le cimetière et, se réveille dans le passé, au même endroit mais dans son corps d’adolescent. Il comprend qu’une seconde chance lui est donnée : il peut revivre des événements passés tout en profitant de son expérience d’homme mûr. Un objectif s’impose à lui : empêcher la fuite de son père du domicile familial, et essayer d’en comprendre la raison.

Il redécouvrira avec des yeux nouveaux ce que fut sa vie d’adolescent, sa vie de famille, ses amis et son premier amour d’adolescent. L’histoire prend alors un air de tragédie : il voit se rapprocher le jour de la disparition de son père sans pouvoir empêcher l’inévitable. La chance qu’il reçoit ne consiste pas à changer le passé mais à comprendre la profonde proximité du père et du fils traversant une même crise existentielle.

Le dessin en noir et blanc de Jirô Taniguchi est d’une grande beauté toute asiatique. A travers des paysages silencieux, des pauses dans la narration, l’auteur sait nous faire éprouver une certaine nostalgie d’un passé révolu, la joie simple d’une vie offerte et la difficulté de traverser une vie qui semble s’imposer par les multiples contraintes qu’elle recèle. C’est un merveilleux roman graphique à conseiller largement.

Quartier lointain, de Jirô Taniguchi, chez Casterman, septembre 2002 à mai 2003, novembre 2005 pour l’intégrale

 

Billet de lecture envoyé par BenCop ! Merci de sa contribution !

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